L'actualité de demain : ILS BALAYENT À NOUVEAU LES MIETTES SOUS LE TAPIS… par François Leclerc

Billet invité.

En abandonnant leur projet d’union bancaire pour une pâle copie, à l’instigation du gouvernement allemand, les dirigeants européens confirment leur choix du début de la crise : ils préfèrent ignorer que le système bancaire européen a besoin d’être recapitalisé entre 500 et 1.000 milliards d’euros, selon les estimations qui circulent, plutôt que de mettre en place un dispositif permettant d’y faire face, ne sachant pas où cela les entrainerait. Car c’est bien de cela qu’il s’agit et non pas d’un hypothétique accident de parcours.

Les faits entre-temps ont tranché : les banques ne parviennent pas plus que les États à se désendetter comme prévu. Ce qui devait durer quelques années va maintenant prendre une décennie, est-il prédit. La situation alarmante du crédit, notamment dans les pays du Sud de l’Europe, résulte d’arbitrages en faveur de la consolidation bancaire au détriment de la distribution d’un crédit devenu trop risqué, sont pourtant porteurs de la désagrégation de la zone euro. Les États n’ont plus les moyens d’intervenir, confrontés à leur propre désendettement, ne pouvant qu’assurer la liquidité en maintenant leurs garanties. La BCE ne sait pas faire mieux, une fois ses guichets restés grands ouverts.

Côté réparation, le modèle chypriote (ou bail-in) n’est applicable que lorsque la taille des établissements à renflouer le permet. Il vient d’ailleurs d’en prendre un coup, la Commission demandant que tous les déposants soient protégés sans considération de seuil, afin d’éviter une fuite accéléré des capitaux d’un pays si l’une de ses banques était menacée de son application. Le Mécanisme européen de stabilisation (MES) a pour sa part des moyens limités en regard des besoins potentiels. La seule solution trouvée est donc l’allongement de la période de désendettement (ainsi que de la récession qui l’accompagne) dans l’espoir qu’aucun incident majeur n’intervienne entre-temps.

Un ersatz d’union bancaire va donc être mis en place, auquel les moyens financiers vont faire défaut. Au prétexte de donner des assises juridiques solides à un fonds de renflouement futur des banques, il est fait un préalable d’un changement de traité européen qui en renvoie la création aux calendes grecques. Après avoir bataillé sur la nécessité de réaliser sans tarder l’union bancaire, les dirigeants européens ont déjà commencé à s’incliner et l’affaire prend l’allure d’une opération de relations publiques de plus, comme celle qui se prépare en faveur de l’emploi des jeunes. La BCE résiste et Jorg Asmussen préconise toujours la création d’un fonds d’intervention financière simultanément à l’instauration du mécanisme de supervision, prévu pour 2014, mais la décision lui échappe. L’indépendance de la BCE devient formelle devant la détermination allemande d’imposer son point de vue.

Une union bancaire en deux étapes, comme retaillée par Wolfgang Schäuble, ne permet pas de faire face aux besoins tels qu’ils s’expriment à nouveau en Espagne et commencent à être reconnus en Italie. Les difficultés propres au renforcement des fonds propres des banques sont encore à venir et donnent déjà lieu à de discrètes acrobaties, une fois vendus les actifs permettant de réduire la taille du bilan. Quoi de plus tentant, en effet, que de réévaluer le risque des actifs inscrits au bilan pour le diminuer et d’améliorer soudainement ainsi le ratio core tier one de Bâle III ?

La tendance est d’anticiper la mise en conformité avec ce ratio sans attendre la date butoir de 2019. Mais sans augmentation de capital. La Deutsche Bank fait exception, pour y avoir procédé sous la pression des régulateurs américains en raison de son poids aux États-Unis. Les banques britanniques, Barclays en tête, ont l’intention d’émettre des obligations convertibles contingentes (CoCos). En Espagne, Santander procède en proposant aux actionnaires de payer leurs dividendes avec de nouvelles actions ; la Société Générale et le Crédit Agricole français en réévaluant le risque de leurs actifs (ce que la Deutsche Bank a précédemment fait). Les régulateurs, quant à eux, s’interrogent de plus en plus à propos de ratios qui reposent sur l’évaluation du risque… En effet, comment concilier les besoins de recapitalisation qui sont évoqués et le respect annoncé de ces ratios ? Il y a quelque chose qui cloche ! À force de trop vouloir convaincre…